Afficher le texte intégral

Jean-Michel Kasbarian
Docteur en sciences du langage
L’entretien de recherche (ER) en sciences humaines et sociales (SHS)
1-   L’entretien

L’entretien désigne un mode de conversation particulière, un rapport social et verbal qui suppose une égalité des interlocuteurs, une conversation d’égal à égal : le terme est né dans le langage diplomatique au 15ème siècle :

– Entretiens philosophiques, spirituels, littéraires, journalistiques, savants, familiers, galants (définition selon la nature du sujet)

– Longs, courts, entretiens à bâtons rompus, moment d’entretien (définition selon la durée)

– ouvrir, aborder, continuer, poursuivre, prolonger, renouer, rompre l’entretien (définition selon les modalités, le processus de l’échange)

– participer, assister, quitter, interrompre un entretien (définition selon le contexte social de l’entretien)

On peut distinguer différents types d’entretien :

La conversation

C’est un échange d’opinions, sans but précis, au cours duquel les protagonistes sont à égalité, libres et dans lequel il y a une certaine affectivité entre les acteurs de la conversation.

Le débat

Un débat est structuré sur un thème central autour duquel les protagonistes essayent de se convaincre mutuellement en exposant des arguments et en réfutant ceux de l’autre. Les débateurs sont souvent en situation de face à face permettant ainsi de mettre en scène leur rivalité. Les débateurs sont souvent très impliqués émotionnellement.

L’interrogatoire

Un interrogatoire est une relation asymétrique de nature directive en vue d’obtenir de l’interrogé des informations précise. Le type de questionnement utilisé met l’interviewé sous pression pour obtenir la bonne réponse à la question posée. Celui qui mène l’interrogatoire ne se soucie pas de l’état dans lequel se trouve celui qui est interrogé.

L’interview

Une interview est une relation asymétrique entre deux individus sans forcément en apparence de relation de supériorité de l’un sur l’autre. L’interview consiste en un recueil d’informations sur un sujet donné en vue les partager avec des tiers via un support tel qu’un journal, une radio ou la télévision.

Le diagnostic

Un diagnostic est une interview menée par un spécialiste qui a en tête de trouver de quoi souffre son patient en lien avec des tableaux cliniques qu’il a appris. La pose du diagnostic a comme effet de libérer celui qui le pose car c’est pour lui une fin en soi. On ne se préoccupe pas d’abord du vécu du patient mais des symptômes qu’il exprime.

La relation d’aide (thérapie, coaching)

Dans la démarche clinique, le malade est mis à contribution par le biais de sa parole.

Carl Rodgers (1945)  prône la non directivité dans l’entretien clinique, reconnaissant l’indépendance psychologique de l’individu dans la relation d’aide. Le psychologue fait preuve de neutralité, écoute flottante, bienveillance.

Dans une relation d’aide, on ne cherche pas à convaincre l’autre de ses convictions mais à comprendre quelles sont les représentations sur un sujet donné de la personne que l’on veut aider.

Dans une relation d’aide on s’attache à mettre l’autre dans une situation la plus confortable possible pour qu’il puisse accéder à ses ressources.

La relation d’aide de par son caractère confidentiel n’a pas de vocation à partager les informations échangées lors de l’entretien.

2-   Genèse de l’entretien de recherche en SHS

On compte 4 grands types de méthodes en SHS : la documentation, l’observation, le questionnaire et l’entretien. Seuls le questionnaire et l’entretien sont des méthodes de production de données verbales.

De l’enquête sociale à l’enquête sociologique, ou de l’interrogatoire à l’écoute

Dans la seconde partie du 19ème siècle, avec l’émergence de la révolution industrielle et la naissance du salariat (avec ses pauvres et ses exclus), apparaît l’enquête morale et matérielle sur les populations.

Cf. Frédéric Le Play (1862) : «Instruction sur la méthode d’observation dite des monographies de familles » dans l’ouvrage « Le ouvriers européens ». On est encore dans une position d’autorité de l’enquêteur (protocole de visite) mais au-delà du questionnaire qui vise à établir des faits, l’enquêté est invité à laisser parler son interlocuteur (ne pas l’interrompre même s’il s’éloigne du sujet). Il s’agit d’amener l’enquêté à coopérer.

En 1920, l’école de Chicago donne ses lettres de noblesse au terrain. Les études portent sur les gestes de la vie ordinaire, les manières d’être et les modes de vie (quartiers, bandes de délinquants, groupes ethniques…) et se font dans le cadre naturel, de l’intérieur. Il ne s’agit plus de questionner autrement mais d’appliquer une technique conçue en ethnographie pour approcher des individus dans la diversité de leurs liens effectifs, dans leur contexte sociale et non plus comme des individus isolés, statistiques.

Toutefois, les méthodes statistiques par questionnaire restent dominantes jusque dans les années 1950 : standardisation des réponses, élimination des biais impliqués par le face à face, questionnaire fermé éventuellement complété de questions ouvertes.

Howard Becker et Everett Hugues, en 1956, donnent une place centrale à l’entretien en sociologie, définissant la sociologie comme « science de l’entretien ».

On passe progressivement de la recherche des réponses aux questions d’un savoir scientifiquement constitué à la recherche des questions élaborées par les acteurs sociaux eux-mêmes. Les propres questions de l’enquêté deviennent alors le véritable objet de la recherche.

L’évolution de la société, des rapports sociaux dans les années 1960, avec le développement de la communication, une fluidité des statuts plus grande, la part accordée à l’expression personnelle et sociale, conduit à renforcer la place de l’entretien dans l’étude sociale.

3-   Caractéristiques et usages de l’entretien de recherche 

3.1- caractéristiques déterminantes

  1. C’est une technique d’enquête née de la nécessité d’établir un rapport suffisamment égalitaire entre l’enquêteur (désormais Er) et l’enquêté (désormais Eé) pour que ce dernier ne se sente pas contraint de donner des informations. L’information produite par l’enquête est subjective (information biographique) mais elle résulte de l’initiative de l’Er, en tant que chercheur. Elle n’est pas produite à l’initiative de l’Eé (contrairement à l’entretien thérapeutique, confession, plainte de police, sollicités par B à son bénéfice).
  2. C’est un acte volontaire de communication (fait de parole, speech act) entre deux personnes, où Eé ne se contente d’une réponse ponctuelle mais construit une réponse discours sur un thème imposé par l’Er, où l’Er s’abstient de poser des questions pré-rédigées mais explore dans l’interaction la parole de l’Eé. C’est une différence avec l’enquête parqui fait réagir un échantillon de population à un objet donné de l’extérieur.

-La question : « allez-vous au cinéma » ? peut être inscrite dans un ensemble (le questionnaire) construit à partir de critères discriminants (caractéristiques des populations questionnées : âge, habitat, éducation…). Le questionnaire vise à mettre en relations les pratiques (aller au cinéma) et les déterminants de ces pratiques (qu’est ce qui prédispose certains à aller au cinéma et d’autres pas).

-L’entretien visera par exemple à explorer les motivations qui poussent les gens à aller au cinéma, avec des questions portant sur les conditions dans lesquelles on va au cinéma, les raisons pour y aller. L’entretien va chercher à faire émerger les articulations entre ces différents éléments (aller en groupe au cinéma pour se détendre…) et à situer ces différents éléments dans les contextes sociaux dans lesquels ils sont produits.

  1. L’entretien de recherche implique une démarche: la coproduction du discours par l’Er et l’Eé ou « improvisation réglée » (Bourdieu, 1980). Improvisation : chaque entretien est une situation singulière susceptible de produire des faits de connaissance particuliers et réglée, car pour produire ces connaissances, il faut maitriser des techniques d’entretien.

Pour conduire un entretien de recherche, il faut à la fois maîtriser la carte (cadre de l’entretien, ses règles de fonctionnement) qui donne des balises et un territoire (capacité à s’orienter en fonction du terrain, en intégrant la situation d’interaction).

L’entretien de recherche suppose d’abord de partir à la recherche des questions de l’Eé, compris comme acteur social, en sollicitant son vécu, sa logique, ses représentations, le sens qu’il donne à son action mais pour les « traduire en enjeux collectifs » (Mills, 1978).

Saisir la traduction personnelle des faits sociaux qui sont l’objet de l’enquête de recherche (histoire de vie, un paysan, un pêcheur ; période de vie (chômage, entrée dans la vie active), trajectoire sociale (devenir cadre)…) c’est restituer le déroulement de la vie sociale dans son espace naturel d’exercice, à partir des catégories propres de l’acteur/enquêté. L’Er travaille sur le vécu social de l’acteur (vécu du chômage en 2013) /Eé pour en faire une expérience de la société (le chômage).

3.2-      les différents usages de l’entretien de recherche

Il y a 3 usages principaux :

–       L’usage exploratoire : l’entretien sert à la vérification d’hypothèses ou à l’émission d’hypothèses ;

–       l’analyse d’un problème : c’est l’enquête par entretien à usage principal

–       la contextualisation : l’enquête prolonge une enquête par questionnaire

4-   La conception de l’enquête

L’enquêteur doit travailler sur 3 plans :

– Définition de la population et sélection du corpus

– Définition du mode d’accès aux Eé

– Planification des entretiens (élaboration d’un guide d’entretien)

Exemple d’un guide thématique d’entretien : « vous avez quitté votre pays pour vous installer ailleurs. Pouvez-vous me dire comment cela s’est passé ? »

Le guide doit explorer :

– Les circonstances initiales du départ : événements déclencheur, prise de décision, réaction de l’entourage

– L’installation : arrangement, début, attitudes et réactions

– L’organisation de vie : durée, les relations…

5-   Le contrat de communication

C’est l’ensemble des principes et des règles sur lesquelles s’entendent les protagonistes et qui font que la situation d’échange peut avoir lieu. Avant tout entretien, il faut mettre en place un contrat de communication initial qui permettra aux protagonistes de poser un cadre clair vers lequel ils pourront revenir si besoin. Ce contrat explique à minima l’objet de l’entretien, les objectifs attendus pour chacun, la raison du choix mutuel des protagonistes et les types d’actions demandés lors de l’entretien.

L’environnement se caractérise par le la tranche horaire, le lieu et les acteurs de l’entretien.

L’environnement temporel est le moment durant lequel l’entretien se déroule. Les protagonistes doivent tenir compte ou avoir conscience de ce qui a pu se dérouler avant l’entretien ou de ce qui va se passer à l’issue de celui-ci car cela peut polluer la nature des échanges si les protagonistes ne sont pas totalement disponibles mentalement pour leurs échanges.

Le lieu dans lequel se déroule l’entretien ainsi que les places occupées par les protagonistes peuvent avoir une influence pas toujours consciente. En effet, le choix du lieu peut avoir des incidences sur le comportement et les verbalisations de l’interviewé. Les places occupées par chacun ont un lien avec le rôle social que l’on veut avoir pendant la séquence d’entretien.

Les caractéristiques socioculturelles des acteurs de la situation d’entretien ont leur influence sur la fluidité ou non de la production de discours par l’interviewé.

6-   Les modes d’intervention

L’objectif pour l’Er est de permettre à son interviewé de produire du discours. Pour cela il doit mettre en place une stratégie d’écoute et d’intervention.

La stratégie d’écoute permet à l’Er de réagir en temps réel par rapport à ce qui lui dit son interlocuteur. En écoutant de manière active ce qui lui dit l’autre, il va pouvoir ainsi obtenir des informations sur trois niveaux différents de son interviewé à savoir

Son état du monde

Son état psychologique

Ses intentions d’actes

La stratégie d’écoute est une activité cognitive permettant ainsi de poser un diagnostic sur la carte du monde de l’Eé grâce à ce qu’il produit comme discours. Cela nécessite de la part de l’Er d’être flexible sur ses propres présupposés, de s’ouvrir à la réalité de l’autre sans jugement. Par l’écoute de l’Eé, l’Er doit être capable de le relancer, selon une stratégie établie au préalable de l’entretien afin d’obtenir toutes les informations qui lui sont nécessaires sur les trois plans. Une fois l’entretien terminé, l’interviewer doit préparer le prochain entretien en analysant les informations recueillies et celles manquantes.

La stratégie d’écoute ne s’improvise pas comme on pourrait être initialement amené à le penser.

La stratégie d’intervention est un ensemble de techniques qui permettent à l’Er de faire produire du discours à l’Eé. Ses techniques peuvent se regrouper selon trois familles distinctes et ont des objectifs et des effets sur l’entretien très différents.

La contradiction est un mode d’intervention qui fait sortir de la neutralité l’Er car il va venir s’opposer à ce qui dit son interlocuteur. Pour utiliser ce mode d’intervention il faut l’avoir prévu dans le cadre initial de communication.

La consigne donne une information sur la thématique que l’Er veut que l’Eé aborde. Elle doit être claire, précise et non contradictoire avec le contrat de communication initial. La consigne est une technique très structurante de l’entretien car elle fait préciser selon le type de consigne les informations que l’on recherche. La consigne peut avoir comme objectif d’obtenir des informations sur les opinions de son interlocuteur ou sur ses comportements dans une situation donnée.

Les relances sont des actes réactifs qui permettent à l’Er de prolonger le discours de l’Eé sur le thème qu’il est en train d’aborder. Les relances se confondent avec le discours de l’Eé. On en distingue six types différents de relances qui ont toutes des effets propres sur le discours produits.

Elles peuvent s’analyser selon deux critères :

L’acte de langage accompli par l’interviewer et l’instance discursive visée.

7-   Les actes de langage liés à la relance de l’enquêteur au cours de l’entretien de recherche

Ils sont de trois types (Blanchet et Gotman, L’entretien, Armand Colin, 2010) :

  1. La réité: l’Er reprend, en le répétant, le point de vue énoncé par l’Eé ; acte dont le contenu est le même que celui du coaché.
  2. La dé: l’Er donne à connaître son point de vue sur le discours produit ; acte dont le contenu est une inférence de l’Eé
  3. L’: l’Er pose une question ; acte dont le contenu est une inférence de l’Eé

L’instance discursive visée par l’Er peut être :

A. Le registre référentiel : défini par l’objet dont parle l’Eé ; relève des objets et des faits mentionnés. => Contenu propositionnel de premier niveau.

A. Le registre modal : défini par l’opinion de l’Er sur cette référence, son état psychologique/ interne. => Contenu propositionnel de second niveau.

On peut les schématiser selon le tableau suivant (Blanchet, 1985)

Registre

Type d’actes

Réitération

Déclaration

Interrogation

Référentiel

Echo

Complémentation

Interro. Référentielle

Modal

Reflet

Interprétation

Interro. Modale

• Exemple chez l’Eé : « Partir travailler à l’étranger, beaucoup d’étudiants arméniens le font… mais je pense que c’est néfaste pour le pays qui perd ses compétences ».

• Analyse : – « Beaucoup d’étudiants vont travailler à l’étranger » : registre référentiel. – « Je pense que c’est néfaste pour le pays » : registre modal.

Réitération-référentielle (Écho) : « Beaucoup d’étudiants vont travailler à l’étranger », « c’est néfaste pour le pays », « beaucoup vont travailler à l’étranger et c’est dangereux ». => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que vous m’avez dit (p) ».

– Réitération-modale (Reflet) : « Vous pensez que beaucoup vont travailler à l’étranger », « Vous pensez que beaucoup vont travailler à l’étranger et que c’est dangereux». => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que vous m’avez dit X(p) » [où X=croyance].

– Déclaration-référentielle (Complémentation) : « Les étudiants qui partent veulent vivre mieux à l’étranger», « les étudiants qui partent ne se soucient pas des conséquences pour leur pays » => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis (q) ».

– Déclaration-modale (Interprétation) : « Vous considérez que les étudiants qui partent son irresponsables». => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis que vous avez la propriété (X) » [où X = opinion, sentiment, attitude, etc.].

– Interrogation référentielle : « Vous pensez que les étudiants qui partent ne se soucient pas des conséquences pour leur pays? ». => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis (q), est-ce que (q) est vrai ? ».

L’interrogation référentielle de l’Er peut être faiblement (-) ou fortement (+) congruente avec celle de l’Eé.

Interrogation-référentielle congruente : « Est-ce que ces départs de travail à l’étranger peuvent menacer le futur du pays? ».

• Interrogation-référentielle faiblement congruente : «Est-ce que ces départs de travail à l’étranger mettent en cause   le futur du pays? » => contre-argumentation.

– Interrogation modale : « Est ce que vous considérez que les étudiants qui partent son irresponsables ? ». => Acte = « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis que vous avez la propriété X, est-ce que X est vrai ? ».

L’interrogation modale de l’Er peut être faiblement (-) ou fortement (+) congruente avec celle de l’Eé.

Production de l’Eé :   « Bon, je sais que beaucoup d’étudiants arméniens vont travailler à l’étranger … puis je vois que ça pose beaucoup de problèmes au pays, pour son futur. L’idée de la nation, d’un pays qui a un avenir, est ce qu’ils y pensent ? Pour moi ça pose la question des conséquences collectives des choix individuels même s’ils sont justifiés pour les personnes »

Relances possibles de l’Er :

• Réitération-référentielle (écho) : « Cela pose beaucoup de problèmes au pays».

• Réitération-modale (reflet) : « Vous pensez que cela beaucoup de problèmes au pays».

• Déclaration-référentielle (complémentation) : « Cette façon de faire remet en cause le futur du pays».

• Déclaration-modale (interprétation) : « Vous êtes hostile au fait de ne faire des choix qu’en fonction de ses intérêts personnels ».

• Interrogation-référentielle : « Est-ce que cette façon de faire remet en cause le futur du pays? ».

• Interrogation-modale : « Est-ce que vous êtes hostile au fait de faire des choix uniquement en fonction de ses intérêts personnels ?

8-   Les effets des relances de l’enquêteur de recherche

• Les relances se donnent la forme de commentaires reprenant le discours => elles donnent à penser qu’elles ne disent rien d’autre que ce qui a été dit par l’Eé.

• Elles semblent laisser à l’Eé la part essentielle de la construction de son discours.

• Mais elles ne sont pas de simples ponctuations ou confirmations non directives.

• => Elles influencent le discours de l’Eé et peuvent modifier sa pensée.

Effets de la réitération-référentielle (écho) : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que vous m’avez dit (p) ».

• Signification à l’Eé que l’on a bien entendu et compris.

• Signification à l’Eé que l’on opère une sélection dans son discours sur une partie dont on souligne ainsi l’importance.

=> L’Eé peut percevoir cela comme une mise en cause de la véracité de son contenu verbalisé dans son aspect référentiel.

• L’écho peut alors provoquer chez l’Eé (quant à l’aspect référentiel de son discours futur) :

– Résistance (je ne suis pas d’accord) => le discours à venir est rendu plus neutre et objectif pour qu’il soit moins contestable.

– Acceptation (il est expert et a raison) => diminution de la valeur de vérité du contenu impliqué dans les verbalisations à venir.

Effets de la réitération-modale (reflet) : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que vous m’avez dit X(p) » [où X=croyance]

Signification à l’Eé qu’on souligne la distance entre ce qui est dit et ce qui est « vraiment » pensé / vrai / ressenti OU que ce qu’il mentionne n’est pas le réel mais sa perception du réel.

• => l’Eé peut percevoir cela comme une mise en cause de la véracité de son contenu verbalisé dans son aspect modal (sincérité / croyance / interprétation).

• Le reflet peut alors provoquer chez l’Eé (quant à l’aspect modal de son discours futur) : – Résistance : assurance et conviction ; « L’expert c’est moi». – Acceptation : nuance, hésitation et incertitude ; « L’expert c’est lui ».

Effets de la déclaration-référentielle (complémentation) • : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis (q) ».

Signification à l’Eé: – J’ai compris / je confirme / je suis attentif au raisonnement produit. – J’ai besoin d’éclaircissements supplémentaires / qu’une lacune dans le discours produit soit comblée.

• l’Eé peut ne pas percevoir cela comme une opposition car l’Er ne donne pas son point de vue, mais le laisse supposer, tout en semblant s’inscrire dans la continuité des propos du coaché.

• La complémentation peut alors provoquer chez l’Eé (quant à l’aspect référentiel de son discours futur) :

– Augmentation de la référentialisation et de la description.

– Pas d’opposition défensive.

Effets de la déclaration-modale (interprétation) : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis que vous avez la propriété (X) » [où X = opinion, sentiment, attitude, etc.].

Signification à l’Eé que l’on fait une intervention centrée sur la cause de sa production verbale, en fonction d’un certain savoir expert de l’Er. • => l’Eé peut percevoir cela comme une prise de pouvoir / une activité invasive.

• L’interprétation peut alors provoquer chez l’Eé (quant à l’aspect modal de son discours futur) :

– Du consentement : modalisation (méta) du discours, discours égocentré.

– De la résistance : démodalisation du discours : discours de dégagement ou de généralisation (« cela ne me concerne pas en particulier ») ou jargonnalisation du discours (« le spécialiste c’est moi ») ou de négation (« c’est pas vrai »).

Effets de l’interrogation-référentielle : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis (q), est-ce que (q) est vrai ? ».

• Signification à l’Eé:

– Que l’on réalise une inférence sur le réel. – Que l’on sollicite son avis face à cette inférence / position à l’Er

=> l’Eé peut percevoir cela comme une demande de savoir de la part de l’Er, censé ici être en position passive.

• Peut alors provoquer chez l’Eé (quant à l’aspect référentiel de son discours futur) :

– Positionnement d’expert : augmentation des affirmations et / ou négations. – Positionnement de novice : utilisation d’hypothèses (conditionnel) qui excluent toute conclusion vrai / faux (position défensive).

Effets de l’interrogation-modale : « Vous m’avez dit (p), je vous dis que j’en déduis que vous avez la propriété X, est-ce que X est vrai ? »

• Signification à l’Eé:

– Que l’on réalise une inférence sur son rapport subjectif au réel, sur la base d’un savoir expert sous-jacent

. – Que l’on sollicite son avis face à cette inférence / position de l’Er.

=>l’Eé peut percevoir cela comme :

– Une inquisition. – Une mise en cause de la véracité de ses propos. • Peut alors provoquer chez le coaché (quant à l’aspect modal de son discours futur) : – Opposition à l’Er : contre-argumentation. – Désubjectivisation / démodalisation du discours (résistance). – Opacification du discours : utilisation d’hypothèses (conditionnel) qui excluent toute conclusion vrai / faux (position défensive). – Acceptation.

9-   Une analyse des relances de l’Er dans un extrait d’entretien

Catégorisation des verbalisations de l’Er :

Acte de langage de l’Er : Réitération (R) / Déclaration (D) / Interrogation (I)

Instance : Référentiel (R) / Modal (M)

Type de relance de l’Er : Echo (E) / Reflet (R) / Complémentation (C) / Interprétation (I) / Interrogation référentielle (IR) / Interrogation modale (IM)

Catégorisation des verbalisations de l’Eé :

Résistance : Pas résistance (R-) / Résistance (R+)

Acte     Instance           type

R/D/I     R/M             E/R/C/IR/Im               R+/R-

Eé : se mettre à son compte, en fait, c’est la dernière chose à faire

Eé : c’est-à-dire, il faut se donner pour y arriver

Eé : pas à ce point mais se mobiliser vraiment sur le projet

Eé : Le business model d’abord, c’est le plus important, après bien sûr l’idée d’entreprise qui pour moi est venue naturellement. J’ai beaucoup travaillé le business model, un mauvais business model et c’est l’échec assuré.

Eé : en tout cas, c’est ce que j’ai vu autour de moi, on croit qu’on a une idée géniale et au final, ce n’est pas faisable. Ce que je retiens de mon expérience, c’est qu’il faut se méfier des bonnes idées de création d’entreprise. L’étude de marché, le business plan, c’est fait pour ça.

Eé : j’ai fait appel à une entreprise spécialisée. Il y a un coût non négligeable, mais on ne peut pas faire sans.

Eé : oui. Avec un bon business plan, on n’est pas assuré de réussir son projet de création mais en tout cas, de ne pas se lancer sans filet.

Eé : donne le cadre, en tout cas

Eé : par exemple : Est-ce que mon produit est innovant ? est-ce qu’il y a des clients qui l’attendent ? est-ce que d’autres le proposent déjà ? comment créer une demande, sinon ?